Vous les femmes … dixit Julio Iglesias ! Quand certains pensent que la musique électronique est une affaire de bonhommes, au Cosmic Show nous ne sommes pas de cet avis. Erreur absolue dirons-nous !
Les dj’s féminins et productrices sont bien présentes mais trop peu représentées. Où est la parité dans ce milieu musical ? Les plus illustres d’entres elles deviennent des légendes, avec le temps et le talent qu’elles ont.
Faut-il avoir la plastique de Nina Kraviz ou de Simina Grigoriu pour rivaliser avec les artistes masculins, et s’imposer dans le paysage électronique ? Il serait absurde de croire cela. Non, les femmes ne sont pas en marge de la musique électronique. Certaines d’entres elles étaient des pionnières, à l’image de, Daphne Oram, Suzanne Ciani ou encore Delia Derbyshire. Elles ont participé à l’évolution de la musique électronique au même titre que les hommes.
La Club Culture serait-elle misogyne, sexiste ou toutes autres aberrations qui s’y apparentent ? Alors que cette même culture prône le mélange des genres, des styles et des sexes ! Il est un peu triste de se dire qu’en 2015, chaque artiste programmée à une soirée est à la limite de l’exceptionnel.
Mais à qui la faute ? À un public réfractaire à l’idée de ne pas avoir sa dose de boum boum testostéronée ? Aux promoteurs trop angoissés de ne pas remplir leurs objectifs ? Aux communicants jouant sur le côté marketing d’un line up 100% féminin et qui au final desservent totalement cette noble cause ? Aux labels, maisons de disques, agences de booking, ne faisant pas assez confiance aux artistes elles-mêmes ? On vous laisse vous faire votre avis et opinion.
Les initiatives mettant en avant les femmes ne manquent pas. On peut citer le site femalepressure.net qui regroupe un nombre impressionnant de talents féminins en tout genre, ou encore le festival Les Femmes s’en mêlent ! À Nantes certaines orgas font office d’exemples. Get Horses, Illmatic, Déviations Sonores, Social Afterwork, Tecknomaniak , encore Urban Dust-Suave, pour ne citer qu’eux ont déjà invité des guest féminins. C’est encore trop peu comparé aux nombres de soirées organisées à la semaine et affichant des line up masculins.
À l’occasion de la venue de Jennifer Cardini, au LU, invitée pour la soirée Multiprises…Wunderbar par Déviations Sonores. Nous avons posé des questions à Mme Kim. Interview sans langue de bois avec un franc parlé apprécié.
Tu fais partie de l’association Déviations Sonores. Quelle est la philosophie de cette asso ?
L’asso a été créée par Elle Smiley et Arcene K en 2004. C’était une bande de copains qui voulaient faire des fêtes bon esprit avec de la Techno et dans l’esprit de la Techno… Ça continue avec des évolutions. Pour diverses raisons, on est devenu plus militant parce que notre culture, la Techno, a toujours besoin aujourd’hui d’être soutenue et défendue avec ferveur. Raison aussi pour laquelle on a intégré Technopol-Techno Parade en 2013 et que nous les représentons localement depuis 2014.
L’asso fête ses 11 ans ! C’est une superbe aventure…
Oui, on est passé par plein de phases, plein de rencontres et ce n’est pas fini ! On fête la 1ère bougie de notre nouvelle décennie … c’est un autre chapitre qui s’ouvre.
Dans votre description Facebook, il y a cette phrase « House, Techno & Scratchs for Adults !!! ». Elle est top ! Tu peux nous en parler ?
Disons que la House et la Techno sont les deux grandes dénominations pour éclairer l’univers de nos sons. Le scratch, c’est aussi parce qu’on a fait des liens avec le Hip-Hop, Elle Smiley maîtrise très bien cette technique. Parfois, on fait des prestations ensemble en mode techno. Elle est l’une des rares à pouvoir faire du scratch sur mes mixs à 135 voir, 138 bpm. Tu peux voir sur mon soundcloud le mix que l’on a fait pour le label Audiogenic Blackout Invaders à partir de 45 mns, elle commence à scratcher et c’est énorme! Pour le for adults, c’est une question de comportement : on veut que les gens, comme dans l’état d’esprit des raves du début, se responsabilisent et on prône d’ailleurs, la responsabilité individuelle, la solidarité et la fraternité. Comme certains patrons de clubs ou d’autres orgas, on pense qu’on ne peut pas faire garderie. Par chance, dans nos événements, on a jamais eu de pépins mais on trouve dommage de voir que les gens ne prennent pas toujours soins d’eux mêmes et/ou des uns des autres et ne respectent pas toujours les lieux et le matériel, comme nous le faisions il y a quelques années… On espère que ça va changer dans le bon sens… On reste optimiste !
Vous avez la volonté de travailler avec d’autres artistes, venant d’autres horizons artistiques (Plasticien, décorateur, graphiste, sculpteur, vidéaste etc.). Pourquoi ce parti pris ?
Parce que dans les raves, notre culture d’origine (notre état d’esprit), on travaillait tous ensemble pour recréer des univers particuliers. Un DJ seul derrière ses platines, pour nous, pour les grosses teufs, on pense que c’est souvent insuffisant… Les raves, sont des melting-potes d’artistes et d’idées. Travailler avec les autres, ça nourrit l’esprit et la créativité.
D’ailleurs votre soirée Multiprises…Wunderbar au Lieu Unique en témoigne. Il y a la projection du film Sextoy Story, avant les dj set. On peut s’attendre à d’autres mélanges de genres et de styles pendant cette soirée ?
Cette soirée est une « no gender techno party », donc non parce que cela signifie que pas de genre = tous les genres déjà mélangés sans qu’on ne se pose la question….
L’idée c’est d’être inclassable et inclassifiable. C’est important pour nous.
Les gens aiment bien mettre les autres dans des cases. Nous tout ce qu’on défend et revendique, c’est la culture Techno. La vie privée des uns et des autres n’a pas à interférer avec notre travail même si inconsciemment (c’est normal) ça peut parfois marquer notre expression artistique – on est humain – mais ce n’est pas ce que nous mettons en premier plan. Les membres de Déviations Sonores vont de 24 ans à 51 ans et sont issus de tous horizons socioprofessionnels. Leur sexualité et leur genre, ne regardent qu’eux donc, c’est une « no gender Techno party ».
Qu’on ne s’y méprenne pas, la Multiprises…Wunderbar, c’est avant tout la multi-connexion avec tous le monde et ce, sans distinction ! Donc la question de mélange de genres/styles ne se pose pas vraiment dans la mesure où on dit aux gens: « venez comme vous êtes – juste soyez sympas et souriants ».
Il faut savoir que Multiprises… Wunderbar est intégré ce week-end là, dans un projet du Lieu Unique et de l’association EthicA qui a pour thématique : « Question(s) d’éthique qui promet un éclairage sur les grands débats de société qui questionnent les mœurs et le vivre-ensemble » et là, en l’occurrence, le genre. Je vous invite à aller découvrir ce week-end.
Vous invitez la génialissime Jennifer Cardini ! Pourquoi cette artiste ?
Parce que pour la Multiprises…. Wunderbar!, on voulait faire un focus sur les femmes dans la Techno, sans être dans le 100% djettes, appellation que l’on trouve vulgaire, réductrice et souvent utilisée comme un argument marketing… Et ça ne nous plaît pas que les femmes soient utilisées ainsi… Le sexisme et la misogynie dans des milieux soi-disant ouverts d’esprit, sont bien réels. Nous y sommes souvent confrontées…. Bref, Et pourquoi pas une soirée 100% roux, tant qu’on y est ? LOL ! Oilo Folaz, un des DJs de l’asso fera l’ouverture du bal. Son DJ set collera parfaitement bien avec l’univers de Jennifer Cardini. Nous, on veut juste jouer avec nos copains et nos copines DJ’s sans se soucier de ce qu’ils ont dans leur culotte ! Re-lol ! Faire venir Jennifer Cardini, une des meilleures DJ Electro-Techno internationale, qui est aussi une des plus ferventes militantes pour les femmes dans la Techno depuis toujours, c’était juste une évidence… On est graaaaaave heureux chez Déviations Sonores de la recevoir.
Vous avez prévu de rééditer la soirée Multiprises…Wunderbar ?
On aimerait bien. On a déjà des choses à proposer pour ce projet précis pour le Lieu Unique mais ce n’est pas nous qui décideront… On leur en parlera et on verra bien, sinon, on verra si on la propose ailleurs… Tout est (presque) possible ! Mais on a aussi la soirée Suck My Beat sur le feu et Mull Foon en août 2016 et plein d’autres choses mais on ne va pas tout te dire maintenant pour garder un peu de surprises et vous mettre l’eau à la bouche ! Re-re-lol ! Mais on te préviendra, c’est certain.
Sur le fly de la soirée au Lieu Unique, il y a une inscription qui dit ça « No gender Techno party » c’est ce qui caractérise Déviations Sonores ?
Oui, c’est que je te disais plus haut. On aime les gens pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils paraissent. Dès lors où leur volonté est de défendre et de s’impliquer dans la Culture Techno, ce qu’ils sont et ce qu’ils font avec leur c**, ça ne regarde qu’eux.
Cette soirée est une bonne occasion pour parler de la place des femmes dans la musique électronique. On a l’impression que les nanas y sont beaucoup moins représentées que les hommes. Comment expliques-tu cela ? À qui la faute selon toi ?
On est dans un milieu, comme je disais plus haut, assez misogyne et sexiste. J’ai encore eu l’exemple dernièrement dans une soirée où nous étions bookées, Elle Smiley et moi-même, en tant que seules nanas du plateau… Le D.A. du lieu (dont je tairais le nom) vient distribuer des bracelets pour l’accès aux loges. Il dit à tous les mecs présents qu’ils leur en donnent un et puis, nous regardent et nous dit « les deux là-bas, c’est pas des artistes? « … Là, l’organisateur un peu étonné lui dit que si… Et moi, je rétorque à un pote à côté : « bah non, les filles, ça mixent pas, ça torchent les gosses et si on est là, c’est pour faire des p**** dans les loges »… Bref, je me suis demandée ce que c’était pour lui que l’idée de ce qu’est un(e) artiste, une femme et encore plus une femme artiste dans la Techno ? Peut-être que si nous avions eu des physiques d’avions de chasse, ils nous auraient perçu différemment ? Je ne sais pas mais le mec, après, il nous a évité toute la soirée… C’est un peu relou et triste de voir ce genre d’attitude encore en 2015…
C’est plus difficile selon toi, quand on est une nana, de s’affirmer dans la musique électronique ?
Oui, je ne vais pas te dire le contraire. On est toujours mises à l’épreuve pour nos compétences techniques, notre physique, ce qu’on dit, avec qui on couche ou pas, etc, etc. On nous invente des vies, des moeurs, des projections de fantasmes, etc… C’est parfois comique ou carrément débile. Concernant les bookings, si on est trop exigeante pour du matos ou autre chose, forcément on est « chiantes » ou même appelées des connasses mais pas toujours dans le sens drôle du terme… Les mecs peuvent se mettre en concurrence mais, je pense, qu’ils sont plus solidaires entre eux. Les filles, le sont aussi mais comme on est moins nombreuses, c’est plus difficile et puis il y a aussi des filles qui jouent le jeu des orgas/bookers sexistes… Il suffit d’aller à Ibiza pour le voir !!! Et ensuite certains vont dire : ah si elle a des dates, c’est à cause de ses fesses. J’ai une copine blonde, très jolie et pleine de talent et on lui dit encore ce genre de choses… C’est nase. Bref, il faut toujours se battre pour se faire sa place et nous, on doit perpétuellement se remettre en question. On n’a pas le droit à l’erreur mais je crois que c’est valable aussi dans d’autres milieux.
Sur Facebook, tu me disais que vous étiez contre l’argument « marketing » du line up 100% féminin, souvent trop mis en avant…
Oui, au début on trouvait ça sympa de mixer avec nos copines et comme dit plus haut, on trouve que ça devient juste un truc pour faire venir du mec qui n’en a pas grand chose à faire de ce qu’on mixe… Si tu veux voir des meufs limite à poil sans te soucier de leur mix, va dans un peep-show ! Pour le mix, maintenant, on refuse ce genre de contexte réducteur. Le fait de booker une meuf parce que c’est une meuf, ça nous brise les ovaires… On booke quelqu’un(e) parce qu’il/elle nous fait kiffer et puis c’est tout !
À Nantes, les orgas invitent de plus en plus des têtes d’affiches féminines, on peut citer Get Horses (Rebekah, Elisa Do Brasil, Xosar Live), Illmatic (Tama Sumo), Social Afterwork (Simina Grigoriu) vous avec Jennifer Cardini. Il y a en certainement pleins d’autres ! Les choses bougent selon toi ?
Je crois que oui et j’espère que ça ira dans ce sens. On a déjà booké d’autres meufs.
Le site Internet FemalePressure.net, est un site de référence internationale pour les femmes artistes et DJ du monde de la Techno (au sens large du terme) et des arts digitaux. Ce site a été créé par la DJ et productrice Electric Indigo et j’en fais partie.
On espère faire d’autres soirées avec des nanas et des mecs ensembles. Après c’est une question de line-up et de prix… Ça, c’est un autre problème… A savoir que les femmes DJ’s à un certain niveau coûtent un peu cher aussi – heureusement pour elles !
Je t’invite à consulter le site de Female Pressure. Il y a pas mal d’infos qui relatent des différences concernant les femmes dans le milieu de la Techno.
En tout cas, j’ai bon espoir parce que la jeune génération semble plus ouverte.
On est féminine – pas féministe mais quand tu es une femme qui « ouvre sa gueule », tu te fais souvent traiter de féministe… comme si c’était une insulte en plus ! Bah non, en ce qui me concerne, je suis juste une nana qui aime mixer.